Dans nos régions - Retour sur les Charter Awards22 juillet 2016 | Le 7 juin, La Cimade
a fait parler d’elle dans de nombreux médias grâce à l’action des
« Charter Awards ». Au-delà de la cérémonie nationale à Paris, les
actions montées devant les préfectures par différents groupes locaux ont permis
de faire vivre l’évènement, de toucher les médias régionaux, et d’insuffler une
dynamique positive au sein des équipes et des réseaux partenaires. Exemple à
Nantes, où l’action s’est montée très rapidement, avec un joli succès au
rendez-vous.
Le projet de l’action « Charter Awards » a été proposé, à l’origine, par un groupe d’intervenant.e.s en rétention au CRA du Mesnil-Amelot. L’idée était de communiquer sur les pratiques d’enfermement ou d’éloignement choquantes ou illégales, d’une façon novatrice, qui puisse capter l’intérêt des journalistes et donc avoir un écho auprès du grand public. Les équipes nationales de La Cimade, qui s’intéressaient depuis déjà quelques temps au principe d’une action publique ou « action coup de poing », y ont vu une occasion de tester la mise en place de ce type d’opération. Au fil des réflexions nait l’idée d’une action qui se déroule sur un double niveau : - D’une part, au niveau national, la définition d’un palmarès des préfectures ayant les pratiques les plus scandaleuses, construit autour d’un certain nombre de catégories, et s’incarnant dans une cérémonie de remise des prix à laquelle sont conviés journalistes et partenaires ; - D’autre part, au niveau local, devant les préfectures ainsi « récompensées », une action publique « surprise » consistant à simuler la remise du prix remporté par la préfecture en question.
L’ensemble des actions étaient habillées par un cadre
graphique et visuel commun : bannières et banderoles « Charter
Awards », statuettes, tapis rouge, tenue de soirée pour les participant.e.s…
afin de reprendre les codes de cérémonies comme le Festival de Cannes, qui
s’achevait quelques jours plus tôt.
Un travail de communication, auprès des journalistes et sur les réseaux sociaux, était prévu en amont, pendant et après l’évènement, à la fois au niveau national et dans chacun des départements concernés. ![]()
Elsa Blossier est une bénévole plutôt récente du groupe
local de Nantes, qu’elle a rejoint à l’automne 2015. Elle entend parler pour la
première fois du projet des Charter Awards lors de la réunion mensuelle. De
prime abord, la présentation qui en est faite en réunion tombe un peu à plat,
générant pas mal d’incompréhensions au sein du groupe. « La personne qui en a parlé ne savait pas exactement
quelles informations elle pouvait donner ou non, puisque le projet était plus
ou moins confidentiel »
se souvient Elsa. Effectivement, des consignes
de discrétion avaient été données pour
ménager le côté surprise de l’action.
« Du coup c’était difficile pour
les
membres du groupe de se projeter. Et puis le principe de faire une
action
publique, l’utilisation des réseaux sociaux, le
côté décalé et second degré…
tout cela ne parlait pas forcément aux bénévoles
les plus âgés, alors que pour
les plus jeunes c’était plus évident, ça
fait plus partie de nos habitudes. »
Elsa, 28 ans, est pour sa part motivée par ce projet, qu’elle trouve
intéressant et drôle. C’est donc elle qui se propose pour le piloter.
« En tant que bénévole récente, le début de la mise en place n’a pas été évident pour moi. Je ne connaissais pas encore bien le fonctionnement de La Cimade, l’articulation entre le national et le régional, les salariés et les bénévoles… Du coup, je ne comprenais pas très bien qui devait faire quoi ! » raconte Elsa. Petit à petit, et en discutant avec Marie Hénocq, la déléguée nationale en région, elle se rassure et voit un peu plus clairement les tâches à accomplir. « Marie s’est chargée des relations avec la presse et le jour J des relations avec la police. Pour ma part, je me suis occupée des aspects logistiques. J’ai fait un petit rétro-planning que je partageais avec l’équipe salariée : la DNR et la responsable régionale rétention, Maud Steuperaert. J’ai recruté des bénévoles, ainsi que des comédiens pour « jouer » la cérémonie. Le plus gros boulot a été de trouver le matériel nécessaire, mais par chance, je travaille dans un théâtre qui m’a prêté un tapis rouge et d’autres éléments utiles. Pour les partenaires, cela s’est fait entre le bureau du groupe local, Marie et moi. » La mission de recrutement et de mobilisation des troupes s’avère ardue, toujours à cause de l’aspect à la fois préparé et surprise de l’action. « Que ce soit auprès des bénévoles ou des partenaires, il fallait les motiver pour venir, mais sans trop en dire… Du coup beaucoup ne comprenaient pas bien de quoi il s’agissait. J’étais très stressée à l’idée que personne ne vienne ! » Lorsqu’Elsa organise une réunion d’information, quelques jours avant l’évènement, une douzaine de bénévoles répondent à l’appel, dont 4 ou 5 qui s’investissent plus particulièrement : une personne trouve une sono, une autre se propose pour aider à rédiger le communiqué de presse, une troisième trouve un photographe professionnel pour faire des photos… Beaucoup de choses s’organisent en peu de temps. « L’évènement s’est monté très rapidement, peut-être en deux semaines au total. » constate Elsa. « Et beaucoup de choses se sont décantées au dernier moment ! La veille au soir, on est restés au local jusqu’à 23h pour finir de tout préparer. Comme c’était un soir de permanence, beaucoup de bénévoles ont vu les banderoles, le matériel, c’est devenu plus concret et ça a permis de recruter plein de personnes en dernière minute ! » Le jour J, malgré les inquiétudes, il y a donc du monde au rendez-vous devant la préfecture de Nantes. Mais mauvaise surprise : il y a aussi un énorme camion de nettoyage, qui passe le karcher précisément à l’endroit identifié pour faire l’action, en faisant un bruit énorme. Par ailleurs, des policiers sont postés devant la préfecture et surveillent les lieux. « Pendant un instant, on a cru que c’était mort ! » se souvient Elsa. « Et puis on s’est ressaisis et on s’est réparti les tâches : Marie s’est occupée de négocier avec la société de nettoyage et avec les policiers, pendant que je gérais le groupe de bénévoles et la mise en place matérielle de l’action. » ![]() Photo : Marie-Danielle Pierrelée
En fin de compte, elles parviennent à lever les freins et la
cérémonie se déroule sans encombre. Les principaux journalistes prévenus sont
présents, les passant.e.s s’arrêtent et se mêlent aux bénévoles, les salarié.e.s
de la préfecture passent le nez aux fenêtres, et tout le monde rit beaucoup, y
compris les forces de police présentes sur place.
L’écho dans les médias, principal objectif de cette action, est au rendez-vous, avec notamment des sujets dans les trois médias régionaux les plus importants, France 3 régions, Ouest-France et Presse Océan. ![]() ![]() ![]() ![]() Photos : © Jérémie Lusseau / Iris Pictures
Au-delà du succès de l’action elle-même, l’expérience des
Charter Awards a permis de créer une occasion de mobilisation et d’échanges
rassemblant salarié.e.s, bénévoles et partenaires, ce qui est finalement assez
rare, avec un effet très positif sur tous. « C’était un moment drôle, qui sortait des sentiers battus et qui a eu un
effet euphorisant ! » se réjouit Elsa. « Ça a redynamisé l’équipe bénévole, les gens
sont sortis de là en se disant qu’on est capable de mener ce genre d’action,
que ça prend du temps bien sûr mais que ça n’est pas la mer à boire. Même ceux
qui étaient les plus réservés au départ ont été conquis ! » Du côté
des partenaires aussi, l’effet a été positif : « Nous avons été recontactés quelques jours après par le représentant de
Aides qui a remis le prix, et que nous avions pourtant eu du mal à investir
dans le projet. Ils sont très motivés pour refaire quelque chose de ce genre,
nous avons programmé une réunion cet été pour en parler et mettre en place un
projet à la rentrée ! L’équipe de Médecins du Monde était ravie aussi. »
Enfin, et c’est sans doute le meilleur signe de succès, l’action reste dans toutes les têtes, y compris celles des cimadien.ne.s qui n’étaient pas là, comme le note Elsa en souriant : « Les absents sont super frustrés : ils ont l’impression d’avoir raté l’évènement de l’année ! »
Charter Awards - le palmarès en images |