Alors que
le projet de loi s’annonce, sans surprise, comme l’outil
d’une politique de plus en plus répressive, La Cimade
prépare sa mobilisation. Quels sont les enjeux de notre
engagement contre ce projet, et plus globalement de notre parole
publique dans cette période politique particulièrement
difficile ?
Un projet de loi répressif
Des mesures du futur projet de loi asile et immigration ont
été présentées par le premier Ministre le
11 janvier aux acteurs associatifs, et le projet de loi, en tant que
tel, a fuité fin janvier. Il se situe malheureusement dans la
lignée d’une séquence politique placée sous
le signe d’un durcissement assumé et d’une
répression toujours plus importante (voir notre article sur le site Internet).
Parmi les mesures les plus préoccupantes du projet de loi, on retrouve :
- La réduction du délai pour déposer une demande d’asile de 120 à 90 jours ;
- La réduction du délai pour introduire un recours
devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) qui passe de 30
à 15 jours ;
- La retenue administrative prolongée de 16 à 24
heures, une réelle garde-à-vue bis pour les personnes
étrangères ;
- Moins de protection pour les malades étrangers ;
- La durée de la rétention allongée de 45 à 135 jours possiblement.
- ...
Plusieurs autres dispositions vont aussi dans le sens de la
réduction des droits, comme rendre opposable la langue
déclarée en préfecture pour les demandeurs
d’asile, rendre les décisions de rejet CNDA pour les
déboutées effectives avant leur notification,
préciser le régime de l’interdiction de retour,
élargir le nombre de cas pour lesquels une OQTF n’est pas
assortie d’un délai de départ volontaire, etc.
L’équipe des pôles thématiques a conçu
un premier document d’analyse technique des différentes
mesures, en se basant sur le projet de texte – non
définitif – ayant fuité fin janvier (analyse à télécharger ici).
La stratégie de La Cimade
En amont de ces éléments confirmés en janvier, La
Cimade avait d’ores et déjà établi une stratégie d’action
vis-à-vis du projet de loi, les réunions avec le
ministère de l’Intérieur et le Premier Ministre sur
le sujet nous ayant informés de l’esprit
général du projet et d’un certain nombre de
mesures.
Cette stratégie (développée dans une note à télécharger ici) propose les orientations suivantes :
- Une communication offensive par le biais de communiqués, d’interventions dans les médias et d’actions coup de poing.
- Une interpellation des parlementaires en deux temps : un courrier
adressé tout début janvier pour les alerter sur les
points les plus préoccupants de la politique gouvernementale et
leur rappeler nos propositions ; et peu de temps avant l’examen
du texte au Parlement, l’envoi d’un dossier
présentant des arguments pour le rejet des dispositions qui
marquent un recul des droits des personnes étrangères. Il
a été décidé de ne pas soumettre aux
parlementaires de propositions d’amendements du projet de loi.
- Une mobilisation inter-associative et inter-acteurs,
en particulier dans le cadre des Etats généraux des
migrations et de la FAS (ex FNARS), collectifs d’acteurs dans
lesquels La Cimade est fortement impliquée. D’autres
mobilisations sont également en cours de réflexion
(syndicats, églises…).
« L’enjeu de notre mobilisation, c’est d’influer sur le débat parlementaire » explique Jean-Claude Mas, secrétaire général de La Cimade. « On
constate que le gouvernement est très ferme sur ses positions,
nos discussions avec lui ne le font pas bouger. En revanche, nous
savons que des brèches sont en train de s’ouvrir au sein
de la majorité parlementaire, et que certain·es
député·es REM commencent à exprimer des
questionnements ou des désaccords. C’est donc là
que se joue le rapport de force. A nous d’aller chercher chez les
parlementaires ce qui leur reste de conscience, et de les faire douter
du supposé équilibre de ce projet, qui est
évidemment tout sauf équilibré. Sans
espérer enterrer le projet, l’objectif est de troubler le
jeu pour in fine faire reculer le gouvernement au moins sur certains
aspects. »
Mobilisation et outils
Afin d’accompagner le travail de plaidoyer,
et plus largement d’outiller le mouvement Cimade pour ses actions
de communication et ses prises de parole publiques, un dossier
est en cours de préparation par l’équipe des
pôles thématiques nationaux et le service communication.
Cet outil, pas trop technique et plutôt politique,
présentera les enjeux du projet de loi, dénoncera les
dispositions les plus dangereuses et proposera une vision
différente des questions migratoires à travers des
mesures phares. Il sera diffusé en interne et en externe au
moment du passage du projet de loi en conseil des ministres,
prévu le 21 février.
D’ici là, vous pouvez d’ores et déjà vous référer à la compilation des propositions politiques de La Cimade,
qui reprend les propositions de l’association produites par des
groupes de travail thématiques ou dans le cadre de publications
réalisées ces dernières années. Ce document
permet de donner aux régions et groupes locaux des points de
repère sur les propositions déjà faites par La
Cimade.
En termes de communication, au-delà des nombreux
communiqués de presse, interviews et prises de position
permettant de faire connaître notre propos au grand public, des
outils seront proposés pour permettre au mouvement de donner de
la visibilité à notre propos.
Le premier de ces outils est l’autocollant Chute de droits,
qui exprime visuellement et symboliquement l’opposition de La
Cimade à ce projet de loi. Livrés dans chaque groupe
local, ces autocollants seront à la disposition de toutes les
personnes souhaitant participer à leur diffusion dans
l’espace public. Un guide du collage d’autocollants
a été élaboré pour permettre à
chacun·e de participer à cette action dans les meilleures
conditions, et favoriser au maximum la visibilité de notre
mobilisation à partir de février 2018
jusqu’à l’adoption définitive de la loi,
voire au-delà.

Suivront d’autres publications et
actions à destination des médias et du public, des
vidéos sur les réseaux sociaux, et une action dans l’espace public
au moment des débats à l’Assemblée nationale
(prévus en avril), autour du même univers d’un
détournement des panneaux routiers. Le mouvement Cimade sera mis
à contribution pour cette action, déclinable partout en
France, qui ciblera les élu·es. Vous serez tenus
informés des avancées de ce projet d’action dans
les semaines à venir.
Enfin, la mobilisation se fera également en interassociatif, via
un travail sur des alliances pertinentes pour attaquer le projet au
moment du passage au parlement. Ce travail de partenariat pourra se
faire avec la société civile via les Etats
Généraux des Migrations (voir notre article Dans nos régions),
avec des associations plus spécialisées comme la FAS sur
des aspects contentieux, ou encore avec les syndicats pour tenter de
faire front commun face au projet.
Penser l’après projet de loi
Si cette mobilisation autour du projet de loi est importante et va
constituer un temps fort pour La Cimade cette année, elle ne
doit pas faire oublier les enjeux d’une réflexion plus large sur les éléments d’une autre politique migratoire. « De
fait, au-delà de ce projet de loi, nous sommes soumis depuis des
décennies à une politique migratoire qui fonctionne
toujours sur les mêmes ressorts de répression et de
contrôle » constate Jean-Claude Mas. « Il
y a une véritable pensée unique sur la question des
migrations qui se perpétue d’une majorité politique
à l’autre. Il y a donc un enjeu à pouvoir imposer
un discours alternatif dans le débat public ces prochaines
années. Pour cela, nous devons produire du contenu et porter des
revendications collectives dont puissent ensuite s’emparer les
intellectuels, les médias et une partie de l’opinion
publique. »
Le projet des Etats Généraux des Migrations, et plus
globalement notre travail en partenariat avec les autres acteurs de la
société civile, seront des éléments-clefs
pour permettre l’émergence dans le débat public
d’une autre politique possible.