Portrait de cimadienne - Tilagavady Guichard, présidente du groupe local de La Réunion19 avril 2018 | Portrait réalisé par Marion Rouillard ![]()
La famille suit le père, laborantin au titre de la Coopération
Française, lors de ses missions en Afrique, jusqu'au bac que Tilaga passe à
Djibouti. La famille décide alors de venir à Paris pour les études supérieures
que la jeune fille a absolument voulu faire. C'est à Jussieu qu'elle étudie les
mathématiques, malgré la résistance de sa famille, décidément inquiète de voir
leur fille vivre à la mode française. Afin d’acquérir une indépendance financière, la jeune fille passe
aussi tôt que possible le concours pour être professeur de mathématiques. Elle
passe 5 années difficiles en Seine-Saint-Denis mais en garde le souvenir de
rencontres particulièrement émouvantes. Pour en partir, la seule académie
proposée à la jeune prof est celle de Guyane. Elle rencontre là un professeur, de maths lui aussi, originaire de
la campagne lyonnaise. Sa famille à lui l'accueille à bras ouverts, quand la
sienne résiste avec un peu de peine au mariage annoncé hors des habitudes
indiennes… Tilaga découvre, avec son beau-père cheminot, l’engagement de toute
une vie dans le monde associatif, avec des valeurs d'action, de solidarité qui
forcent l’admiration. Après Madagascar, le couple s'installe à la Réunion. Aujourd'hui en formation dans les organismes de santé, Tilagavady
veut se spécialiser dans la direction d'établissements de santé pour enfants en
situation de handicap : déjà en tant que professeur, elle s'était beaucoup intéressée
aux raisons du décrochage scolaire de certains élèves… Et La Cimade, dans tout ça ? "Il y a deux ans environ, une amie m'a suggéré de devenir
bénévole à La Cimade : j'étais préoccupée par la perte de sens de ce que je
faisais. Je n’aime pas l’idée que des enfants puissent se sentir exclus d’un
système, que des personnes en raison d’un handicap, ou toute autre raison, soient
exclus d’une vie sociale. Je n'aime pas appartenir à un système qui le
permette. Moi-même, je ne me sens appartenir à aucune norme… J’ai eu le
sentiment d’arriver à agir dans mon travail, mais je voulais à présent m'investir
dans le monde associatif, pour agir sur l'injustice. Et avec des "valeurs"
! Tout, à La Cimade, me parlait, ne
serait-ce que les mots "solidarité active" ! L'accès au droit me
tient à cœur (est-ce parce que mon éducation était faite de principes rigoureux
?). Il est vrai que j'ai du mal avec les actions illégales. L’attachement à la
légalité des procédures de La Cimade me paraît important. Parce que la loi, on peut la
faire évoluer. A La Cimade, on se retrouve par affinité, ce qui change du milieu
professionnel où les gens sont réunis par hasard… La présidente du groupe local
partait en métropole pour se rapprocher de sa famille, et je me suis retrouvée
à accepter la présidence du groupe local. Le turn-over n'est pas aussi rapide que dans d'autres groupes
locaux d'Outre-Mer. Les personnes engagées à La Cimade sont installées à la
Réunion de façon plus durable. Notre problème est géographique : l'île est
grande, et les routes impraticables au moment des pluies … Notre groupe local se développe sur deux lieux, pour les
permanences hebdomadaires d'accès au droit, comme pour les ateliers
sociolinguistiques (dont le projet est financé par la Direction régionale
Jeunesse & Sports et le Ministère de la Culture) : l'un se tient au Nord,
l'autre au Sud, avec, au total, une vingtaine de bénévoles au Nord et une
quinzaine au Sud. Il n'est pas facile de les faire se rencontrer : entre Nord
et Sud, entre ateliers sociolinguistiques et permanences de droit… Notre salariée, Emmanuelle, a un rôle précieux et vital de
coordination des un·e·s et des autres. La cohésion de notre groupe local est notre vrai grand chantier
actuel : de nombreux bénévoles sont engagé·e·s depuis à peine une année : les
accueillir, les garder : ça se fait si chacun·e arrive à trouver sa place et à
s'investir dans un rôle qui lui convient ! La visite il y a quelques mois de l'équipe de la Vie
associative, Yamina Vierge et Martine Bertin, a été un grand coup de punch pour
tout le monde ! Elles sont venues au moment où nous faisions le festival
Migrant'scène pour la première fois (avec un super concert !), elles ont participé
à nos ateliers et permanences. Cette visite du "National" nous a permis de renforcer
nos liens avec le reste de La Cimade grâce à un échange intense autour de nos
valeurs : l'écoute et la bienveillance nous ont renforcé·e·s, avec la
conviction que c'est bien à nous d'inventer nos solutions à nos questions. Quant à la relation régionale, elle n'est vraiment pas facile à
établir, entre nos décalages horaires parfois importants et les problèmes de
disponibilité. Mais j’espère quand même pouvoir rapidement renforcer les liens
avec Mayotte, le groupe local le plus proche. Marion Rouillard
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