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L'accès à la langue et à la culture
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L’apprentissage du français à travers le prisme artistique
permet de décloisonner, de désinhiber le rapport à une langue
qui n’est pas celle d’origine et le rapport à l’enseignement
», Martine de la Direction de la Vie associative.
Allier danse et langageBénédicte, Déléguée régionale de La Cimade en Normandie et Flora, Chorégraphe, se croisent à l’occasion d’une formation organisée au Centre Chorégraphique National de Caen en Normandie (CCNCN) et dans laquelle était invité Sébastien Thiéry, Coordinateur de l’association PEROU.C’est la rencontre de deux univers : d’un côté, des personnes étrangères apprenant·e·s qui ont parfois du mal à mettre en pratique dans la vie quotidienne leurs connaissances de la langue française, de l’autre, une plateforme, Les Ateliers Intermédiaires hébergeant des artistes de diverses disciplines (spectacle vivant, arts plastiques, audio-visuel, etc.) qui ont envie de s’engager sans avoir identifiés les canaux potentiels. De cette rencontre est née un projet, aujourd’hui en phase d’expérimentation : allier le langage à la danse. Trois chorégraphes de danse contemporaine, Laura Simi (Cie Silenda), Ophélie Brunet (Cie Les chronophages) et Flora Pilet (Cie Noesis), proposent trois cycles d’ateliers de 2 heures dans les studios mis à disposition par le CCNCN. Elles composent entre exercices sur le travail du corps, du mouvement et du rapport à l’autre. ![]() Le premier atelier a rassemblé 8 personnes, le second 15, pour le moment exclusivement des hommes. Pour amener les apprenants vers la danse, il y a eu un gros travail de médiation fait par les Ateliers Intermédiaires et par les bénévoles animant les ateliers socio-linguistiques de La Cimade. « Ce qui est assez génial et troublant, c’est que les chorégraphes ont plutôt l’habitude de travailler avec beaucoup de femmes, c’est la première fois qu’elles animent des ateliers uniquement avec des hommes. S’en dégage une énergie qu’elles ne connaissaient pas ». Après la phase d’expérimentation ?« On souhaiterait rendre ces ateliers pérennes, les développer, les rendre mixtes, ouverts aux Français·e·s, et envisager une restitution en fin d’année », Bénédicte, DNR Normandie.Les ateliers chorégraphiques s’intègrent dans un projet porté par de nombreuses structures artistiques dont le CCNCN. Souhaitant manifester leur solidarité avec les personnes étrangères et leur envie de sensibiliser le public, elles ont écrit De l’hospitalité : un manifeste Normand. Apprendre le français avec le groupe local de Caen« A Caen, l’activité ASL répond aux besoins rencontrés lors des permanences juridiques de permettre à des personnes d'oser se lancer à parler français. Elles considèrent l'activité comme des cours de français, nous essayons d'en faire aussi une occasion de découvertes de la société qui les entoure à Caen », explique Anne, Coordinatrice ASL.L’équipe ASL dans le groupe local de Caen comptait 2 personnes, aujourd’hui, elle réunit une dizaine de bénévoles, plus à peu près autant dans les squats. L’activité s’est considérablement développée : « Nous avons un fonctionnement mixte, par thèmes (transport, santé, etc.) et par niveaux. Dans un groupe disparate, les débutant·e·s peuvent être perdu·e·s, les plus avancé·e·s peuvent s'ennuyer. En revanche, on gagne sur le plan de l'entraide entre participant·e·s. On essaie également d’emmener les apprenant·e·s tous niveaux confondus sur un parcours culturel, une extension de l’ASL : concert, spectacle, exposition, artothèque, centre chorégraphique, randonnées, ateliers de conversation tout public, etc. », expliquent Anne et Régine, Présidente du groupe local de Caen. Depuis deux ans, une équipe de bénévoles intervient dans les squats 2 heures par semaine. Elle s’y rend régulièrement pour donner des cours de français aux femmes notamment. « C’est plus facile, car c’est leur lieu de vie, elles n’ont pas besoin de se déplacer et peuvent rester attentives aux enfants qui ne sont pas loin ». "Nos maîtres-mots sont : détente, improvisation et bonne humeur", nous dit Marine, Bénévole ASL dans le squatLe groupe local est « victime de son succès », partage Régine. « Que ce soit au niveau des locaux, des richesses humaines et du temps, nous ne sommes malheureusement pas extensibles ». Au-delà de l'activité, le lien socialCertaines personnes parlent très bien français aujourd’hui, mais elles viennent par attachement, pour le lien social. « Nous avons un nouveau local qui permet notamment de mettre en place des ateliers de conversation à 5 ou 6 personnes. On a également récupéré des ordinateurs, des bénévoles réfléchissent à la possibilité d'offrir un espace et un temps pour que des bénéficiaires puissent être accompagnés pour les démarches qui sont de plus en plus dématérialisées ».Les activités linguistiques permettent un « plaisir immédiat, partagé entre bénéficiaires et bénévoles, que l’on ne retrouve pas avec d’autres actions, comme les permanences juridiques. On sent une nouvelle dynamique à La Cimade dans la réflexion sur d'autres formes d'aide et dans notre groupe local aussi. Il y a un changement de perspective, j’en suis très contente. On revient sur les bases de nos ASL caennaises en se dirigeant vers un travail par thèmes plus adaptés aux besoins », explique Régine. Développer les actions sociolinguistiques à La Cimade![]() A la fin des années 90, elle se dote d’un service formation rue Trévise à Paris géré par des salarié.e.s : rassemblant un collège, un centre de recherche pour établir des critères d’évaluations et des méthodes pédagogiques d’apprentissage du français langue étrangère. Ce service actif pendant 15 ans, a finalement fermé ses portes pour des raisons politiques, de financement et de priorités. La formation linguistique est alors reprise par l’ensemble des bénévoles. En 2016, le Contrat d’intégration républicaine (CIR)* entre en vigueur. Il met sur le côté toute une partie des personnes étrangères : celles qui n’ont pas de papier. Dès lors, l’Etat exige un niveau de progression en français qui conditionne l’accès au titre de séjour. C’est à cette même période que La Cimade ouvre un poste de Chargée de projet sur l’apprentissage du français. Après Cécile, en 2018 arrive Marianne, Psychologue interculturelle. Ayant été Professeure de français, elle raconte : « Ce qu’il se passe dans les classes est fabuleux et très riche ». Ses rôles :
Se sentir légitime pour mieux apprendre« Dans un groupe, ce qui est important au début c’est que chacun·e puisse prendre sa place, cela passe par l’hospitalité, l’accueil et la reconnaissance de l’autre ».Imaginez, « quand 12 personnes de nationalités différentes se retrouvent dans une classe, il faut pouvoir reconnaitre chacun·e dans cette différence, considérer l’autre comme singulière ou singulier ». Pourquoi ? Pour valoriser les compétences et établir une relation d’échange. « Le regard des bénévoles dans cette action est primordial ». « Une fois que l’estime de soi est là, que l’on a réussi à valoriser l’autre, on apprend beaucoup mieux car on se sent légitime ». Pour Marianne, Créer des ponts entre les activités de La Cimade est primordialIl faut renforcer les liens avec le juridique et la sensibilisation, « car nous allons toutes et tous dans le même sens : aider les personnes migrantes. Les articuler permet non seulement de créer une dynamique au sein du mouvement, mais aussi d’enrichir les pratiques et les formations proposées en ouvrant sur un axe plus concret ». Trouver le bon équilibre« Lors des cours et ateliers de français des représentations différentes de l’apprentissage se rencontrent. Il est important de trouver l’équilibre entre ces différentes attentes afin que chacun·e· puisse s’y retrouver aussi bien du côté des apprenant·e·s que de celui des bénévoles. J’aime parler de chef·fe d’orchestre ».Être à l’écoute de ce dont le groupe a besoin, tout en restant fidèle à ses appétences.Des formations à la méthode ASL sont aujourd’hui dispensées. auprès des équipes FLE/ASL des groupes locaux. Cette méthode propose des solutions concrètes aux problématiques rencontrées dans l’enseignement du français langue étrangère. Comme par exemple, rendre plus dynamique l’apprentissage de la langue et adopter une approche pertinente pour les adultes en situations interculturelles. De manière générale, les ateliers sociolinguistiques s’organisent autour de la pédagogie de projet et se basent sur l’utilisation de documents authentiques. ![]() Parmi certains groupes, des personnes étrangères, accompagnées par La Cimade, sont devenues bénévoles FLE/ASL. C’est le cas d’Abdou, Infirmier, diplômé d’Etat au Sénégal non reconnu en France. Il donne des cours depuis février 2017 au sein du groupe local de Caen : « Au début, j’ai organisé les cours par mes propres moyens, en trouvant des méthodes du primaire et du secondaire. Le premier s’est très bien passé, ça m’a motivé pour continuer. Très vite, on s’est entraidé avec les bénévoles, notamment un spécialiste ASL. J’ai aussi participé à des formations, dont une avec La Croix Rouge. Je m’occupe aujourd’hui de 2 groupes : un de débutant·e·s, l’autre d’avancé·e·s. J’ai proposé 3 cours en rapport avec ma formation sur l’éducation sanitaire. J’ai expliqué les modes de vie et les comportements universels, comment prévenir certaines maladies, comment réagir. Ca m’a demandé une grosse préparation en amont mais j’ai eu de bons retours. Il faut de la patience, être à l’écoute. Souvent les personnes entendent le mot en français, mais ne le connaissent pas. Il faut le comprendre, ça passe par le regard. L’important est de mettre à l’aise ». Soutenir les actions culturellesAttribué en 2017 pour les actions menées 2018, La Cimade a obtenu un financement du Ministère de la Culture qui est venu compléter le soutien de la fondation EDF. Il a permis de développer des actions culturelles liées à l’apprentissage de la langue : CD, livres, etc. Il sera probablement renouvelé pour 2019.------------
Chiffres clefs : 24 groupe locaux dont 2 à La Réunion mettent en place des actions linguistiques 350 bénévoles et environ 2 300 personnes en bénéficient tous les ans ------------ Pour en savoir plus sur : - l'activité FLE/ASL, rendez-vous sur l’espace Cimadoc's - Les projets culturels Merci à Abdou, Anne, Bénédicte, Marianne, Martine et Régine INDEX
ASL : Atelier socio-linguistique :
méthodologie qui s’est mise en place par l’utilisation des
documents authentiques. Elle s’adapte aux besoins des
apprenant·e·s, qui sont le point de départ de l’apprentissage.
Contrat d’intégration républicaine (CIR) : Remplace depuis juillet 2016 le contrat d’accueil et d’intégration. Ce contrat doit être signé par un certain nombre de personnes admises pour la première fois au séjour en France. Il comprend un module de formation civique (sur la vie dans la société française) et un module de formation linguistique, selon les besoins évalués au préalable par l’Ofii. Le suivi des formations prescrites est pris en compte notamment pour la délivrance d’une carte pluriannuelle. FLE : Français Langue Etrangère Crédits photos : Bénédicte Vacquerel / Nathalie Crubezy du Collectif à Vifs / Photo Cimade |
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