#29 - mars 2019
La Cimadine
Sur le feu

Regards croisés pour une campagne de communication

Si « c’est notre regard qui enferme souvent les autres dans leurs plus étroites appartenances, […] c’est notre regard aussi qui peut les libérer », Amin Maalouf – Les identités meurtrières

Construire collectivement

Cette idée de regards croisés a fait l’objet d’une attention toute particulière à La Cimade depuis 2017. Elle est partie de la volonté de co-construire une campagne avec des personnes migrantes et de favoriser leur rencontre symbolique avec une partie de l’opinion qui se positionne sans connaître.

Une vingtaine de bénévoles, personnes accompagnées, salarié·e·s, se sont réuni·e·s pour travailler ensemble.

Déconstruire pour comprendre

La co-construction, qui n’est pas innée et rarement appliquée, implique un apprentissage et l’adoption de nouvelles postures. Pour l’accompagner, La Cimade a fait appel à Emilie et Tiffany de L’Engrenage, une SCOP autogérée au service de l’éducation populaire depuis 2012.*

Concrètement, lors des formations, elles proposent un cadre et un éventail de méthodes dites actives permettant à tout le monde de gagner confiance en soi, de se sentir légitime et de prendre la parole de manière équitable.

Claire, bénévole et membre du Comité stratégique de sensibilisation raconte : « Passionnant et très adapté, je connaissais l’éducation populaire de l’extérieur avec Franck Lepage mais je ne l’avais pas mise en pratique. Emilie et Tiffany nous ont permis de nous défaire de nos habitudes, celles qu’on intègre sans en être conscient, en particulier quand on cherche à se mettre sur un pied d’égalité pour prendre la parole ».

Structurer le projet

Trois journées de co-construction ont permis de structurer le projet :
La première, destinée à identifier la campagne et à lister les messages que chacun·e souhaite porter, a été entrecoupée d’ateliers et d’exercices pensés pour découvrir le groupe et mettre à l’aise.

Oumou, en contact avec le groupe local de Montreuil, raconte : « J’ai tout de suite accepté de participer à la campagne. A la première réunion, pendant le tour de table, j’ai raconté ma situation.

Au départ j’étais beaucoup à l’écoute, au fur et à mesure de la campagne, j’ai commencé à m’ouvrir, à prendre la parole et à vraiment m’intégrer au groupe ».

La deuxième journée a été consacrée à la définition des grands thèmes et des publics visés, permettant de construire le slogan de la campagne.
Deux thèmes ont été gardés :

  • Quand tout bascule
  • Défendre les droits des personnes migrantes, c’est défendre les droits de tout le monde

La troisième journée a servi à finaliser le slogan et à réfléchir au déploiement de la campagne : quel format adopter, quels moyens lui allouer ?
Le groupe a été divisé en 3 sous-groupes pour avancer sur les supports identifiés : vidéo, affichage et action de rue. Chaque sous-groupe est composé d’un·e salarié·e, de personnes accompagnées et de bénévoles.

Le projet retenu est le suivant : Raconter par le témoignage un moment de vie en France, quand face à une décision administrative, tout bascule.

Aujourd’hui, le sous-groupe vidéo, s’est mis d’accord sur le format : 4 témoignages de personnes ayant participé à la conception de la campagne seront retranscrits en films d’animation. La première étape - « très forte émotionnellement »- a été l’enregistrement audio des récits des personnes.
Une graphiste basée au Canada a ensuite été choisie. « La graphiste se lance dans la création à partir de récits qui n’ont pas la même teneur. Pour le moment, on a l’enregistrement sonore. J’ai hâte de voir comment son univers va transformer les histoires de chacun·e », raconte Claire.

Aujourd’hui, la campagne avance donc à grand pas. Bientôt prête, il faudra encore un peu de patience avant d’avoir le résultat final. 

Campagne QuandToutBascule« J’ai envie de montrer qu’en faisant ensemble, concrètement, ça fonctionne. J’espère que le regard sur l’immigration et les personnes migrantes va vraiment bouger ! », Claire.


Merci à Claire, Elsa, Emilie, Oumou, Rafael, Tiffany et à Christophe


* L’Engrenage est composée d’une équipe de 3 salariées et de 2 coopérateurs. La SCOP est non neutre et féministe, un positionnement qui permet de questionner l’ordre établi pour comprendre le mécanisme de domination et aller vers l’émancipation individuelle et collective.

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