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Sur le feu | ||
Squat, espace indigne, lieu de vie ?
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Le 4 juin, le préfet du Nord a fait procéder à l’expulsion du squat dit "du 5 étoiles", 2 jours avant la décision du juge qui a accordé aux personnes vivant sur le squat un délai de 3 ans pour quitter les lieux. Les personnes évacuées ont été dispersées : 47 ont été placées dans 4 centres de rétention, une cinquantaine de jeunes ont été placé·e·s dans un foyer pour mineur·e·s, et 66 personnes conduites dans 4 Centre d’accueil et d’orientation (CAO) ou Centre d’accueil et d’examen de situation (CAES) différents.Trois semaines plus tard, près de 80 personnes se retrouvent à nouveau la rue... Parmi elles, des personnes libérées de rétention, parce que le juge a estimé l’interpellation irrégulière, mais aussi des personnes qui n’étaient pas présentes le jour de l’évacuation ou ne figuraient pas sur les listes de la préfecture, ainsi que des personnes qui ont quitté les lieux « d’hébergement » proposés, ces derniers s’étant avérés inadaptés (conditions matérielles très rudimentaires, isolement, non reconnaissance de la minorité, etc.). 16 soutiens, placés en garde à vue, seront convoqués au tribunal le 16 janvier prochain. La Cimade Nord Picardie se mobilise avec d’autres associations pour faire entendre l’indignation, l’absurdité et l’inhumanité des méthodes utilisées par la préfecture contre les personnes vivant dans ce squat. Ces situations, loin d’être isolées, sont monnaies courantes. A Lille, Caen, Marseille, des équipes Cimade font face à l’(in)action des pouvoirs publics et ont décidé de s’organiser pour tenter de faire bouger les lignes. Le Marais, un espace collectif et de partageA Caen et son agglomération, on compte 9 squats : des maisons individuelles, une ancienne maison de retraite notamment mais surtout 4 bâtiments qui étaient anciennement occupés par ENGIE, devenus lieu de vie, de solidarité, de partage et de lutte, appelé le Marais. Celui-ci rassemble 250 personnes. Loin des préjugés, ouvert à la vie culturelle et militante, il a notamment accueilli en mars dernier le Frichti festival. L’objectif ? « Collecter des fonds, faire venir du monde qui ne viendrait pas dans le squat d’habitude et rassembler autour de nourriture et de moments festifs », explique bénédicte Vacquerel, DNR de la région Normandie Ce squat est ouvert à la convergence des luttes. L’AG de lutte contre toutes les expulsions y accueille des espaces de réflexion dans lesquels se réunissent syndicats et militant·e·s. Tous les enfants y sont scolarisé·e·s. Le voisinage ? « Tant qu’il n’y a pas de débordement, les squats sont en réalité assez vite oubliés. Certains voisins apportent même régulièrement leur aide ». Une équipe du GL de Caen se rend dans le squat une fois par semaine pour faire des ateliers sociolinguistiques. Aujourd’hui, 9 bénévoles assurent 2h d’atelier sociolinguistique par semaine pour une dizaine de personnes. Il faut un accompagnement presque individuel car les niveaux sont très hétérogènes. Marine, bénévole au groupe de Caen depuis 2 ans, nous livre son témoignage : « Sans expérience au début, j’ai téléchargé des exercices de français langue étrangère en ligne. Bénédicte était avec nous pour les premières séances. L’équipe a tourné dans 4 squats. Au début, nous faisions des cours pour de jeunes hommes entre 20 et 30 ans. Aujourd’hui, dans le squat du Marais, il n’y a que des femmes qui viennent aux cours. Depuis quelque temps, une nouvelle bénévole, professeure des écoles a intégré l’équipe. C’est vraiment une richesse en plus. Concrètement, on reste très pratique et on colle le plus possible aux besoins des personnes qu'on accompagne. La plupart du temps, on improvise. Quand on est 3, ça nous permet de faire des petits groupes de niveaux, d’être au plus proche et cerner à partir de quel moment une personne est un peu perdue. Ce sont surtout des moments d'échange, qui vont dans les deux sens. On est davantage dans le partage que dans l’apprentissage ». Le 5 étoiles, avant l’évacuation« Le squat du 5 étoiles existe depuis novembre 2017. Il s’est constitué suite à l’évacuation du campement voisin, qui lui-même a fait suite à l’évacuation en 2016 de mineurs installés dans un parc. C’est très cyclique », explique Elodie Beharel, DNR Nord Picardie. ![]() « La Cimade de Lille reçoit des personnes vivant sur le squat dans le cadre de ses différentes activités : cours de FLE, préparation OFPRA, permanence juridique. Ce sont leurs témoignages qui nous ont permis de connaître son existence, dans un ancien entrepôt, car au départ, les personnes ne voulaient pas qu’on parle de ce lieu, de peur de vivre une nouvelle évacuation. Il y a un tissu associatif très dense autour du squat, mais au cours de l’été 2018, nous avons été alertés que l’eau avait été coupée. Soit pour environ 150 à 250 personnes, plus de possibilité de se laver, ni de boire. Avec d’autres associations nous nous sommes demandées comment agir et soutenir les démarches déjà portées par les habitants du squat, notamment avec le collectif des Olieux. On s’est associé à une interpellation collective du bailleur social, propriétaire du lieu, ce qui a permis de réinstaller l’unique point d’eau. Puis nous avons écrit à la mairie de Lille et au Préfet du Nord pour les alerter de la situation et leur demander dans l’attente d’une solution d’hébergement, la prise de mesures urgentes en terme d’alimentation, d’hygiène, de santé. Un peu plus tard, on a appris qu’une avocate allait déposer des référés pour chacune des personnes habitant dans le squat. Nous avons décidé d'appuyer leur démarche, en menant une enquête flash pour connaître la situation administrative des personnes et documenter leurs conditions de vie ». Une enquête pour que les réalités soient visiblesCette enquête sous forme de questionnaire a été écrite à 18 mains. C'est une action collective du groupe lillois. « Le principe de gestion de ce lieu est participatif. Les associations et le Collectif des Olieux travaillent en collaboration avec les personnes exilées. Des temps d’échange sont organisés tous les dimanches.Ça a été l’occasion de prévenir de la démarche de La Cimade. Nous ne voulions en aucun cas intervenir sans l’accord des habitant·e·s », témoignage Béatrice, bénévole à La Cimade depuis 2017. Sur une demi-journée, l’équipe de bénévoles a pu soumettre le questionnaire à 79 personnes, environ la moitié des habitant·e·s à cette période. « C’est un squat qui s’emplit et se désemplit en fonction des changements de situation de chacun·e. D'une manière générale la population évolue régulièrement ». L’enquête a révélé que beaucoup d'habitant·e·s du squat devraient avoir un logement car mineur·e·s ou demandeurs et demandeuses d'asile. De plus, au-delà de ces considérations, toutes et tous ont droit, quelque soit leur statut, à des conditions de vie dignes et salubres, ce qui comprend un logement décent. « Le but de l’exercice était de dépouiller le plus rapidement possible les questionnaires pour appuyer le travail de l’avocate. Sur quelques jours, en se répartissant le travail, nous avons pu générer des statistiques très parlantes ». Le Tribunal administratif a reconnu une atteinte à la dignité humaine et a enjoint la mairie et le Préfet de mettre en place des équipements provisoires d’accès à l’eau. Mais ça n’est pas suffisant. « Produire une connaissance sur une situation et la diffuser rend les choses vraiment plus visibles dans l’espace public. Ça devient quelque chose qui peut être discuté. Comme pour les campements, les bidonvilles, il y a beaucoup à documenter sur les conditions indignes de vie des personnes exilées dans les squats. Dans notre enquête, nous avons senti plusieurs niveaux de désespoir :
Merci à Béatrice, Bénédicte, Elodie et Marine ! Crédits photos : Photo Cimade / Julien PitinomePour aller plus loin :Ressources sur le 5 étoiles- Article La Voix du Nord - Enquêtes Mediacites - Reportage de France bleu Nord - Enquête et analyse |
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