- Portrait réalisé par Marion Rouillard

Déjà en métropole, Mathieu Tetrel travaillait à des projets
(sportifs) avec des demandeurs d'asile. Lorsqu’il est arrivé
à Cayenne il y a 9 ans avec sa compagne, en tant que
travailleur social dans un dispositif d'hébergement de
demandeurs d'asile de la Croix-Rouge, il trouvait difficile
de s'engager comme bénévole à La Cimade.
Travaillant désormais à la "Protection Judiciaire de la
Jeunesse", il est aujourd'hui secrétaire du groupe local.
Ce groupe "Cimade Guyane" forme "un seul groupe local
pour un territoire composé à 95 % de forêt et grand comme
le Portugal. Ce serait vraiment judicieux d'en créer un
deuxième, à St Laurent de Maroni" (la ville frontalière
avec le Suriname). Ça a été tenté, mais sans suite, "il
faudra s'y mettre vraiment !"
Une vingtaine de membres composent ce groupe, jeunes
métropolitains actifs et personnes issues de la migration,
en situation plus ou moins régulière.
Le groupe s'est créé il y a 16 ans, autour d’une action
d’accompagnement juridique en rétention. Les quatre
salariées du CRA voient passer presque autant de personnes
qu’à celui du Mesnil-Amelot. Basées à Cayenne, ainsi que la
responsable rétention de la région Outre-mer, elles
participent fortement à l'animation du groupe local.
Des missions sont effectuées avec le pôle Solidarités
internationales, comme récemment au Suriname, pour observer
ce qui se passe à la frontière et tisser des liens avec des
acteurs au Suriname.
Il y a 3 ans, l'afflux de demandes d'asile, doublant en
quelques mois, a provoqué des files d'attente incroyables
devant le local de La Cimade. Les bénévoles proposaient
surtout un accompagnement à la rédaction du récit à joindre
à la demande d'asile. Le groupe local s'est vite senti
débordé, d'autant que plusieurs bénévoles ont alors quitté
la Guyane.
Devant la difficulté à recruter de nouveaux bénévoles, il a
été décidé d'arrêter les permanences et d'organiser plutôt
des sessions d'information collectives sur différents thèmes
: comment faire une première demande de titre de séjour,
comment se déroule une procédure d'asile, comment faire un
recours auprès de la CNDA,…
"On a décidé d'organiser ça dans notre local mais aussi
dans des quartiers de Cayenne où beaucoup de gens,
dépourvus de moyens de transport, seraient concernés par
les problèmes de régularisation, de droit au séjour."
"Nous avons une bonne cohésion entre les salariées de La
Cimade en rétention et les bénévoles, nous faisons du bon
travail, ensemble : ça demande du boulot d'organisation,
de documentation, de réalisation d'outils, et les
bénévoles sont toujours un peu frustrés de devoir refuser
l'accompagnement individuel de personnes qui posent des
questions personnelles…
Le Groupe local s'oriente maintenant vers un retour des
permanences : pour ça, il faut passer d'abord par des
actions de formation et puis une réflexion serrée sur
comment on va accueillir les personnes, sans se laisser
dépasser par une arrivée trop massive de demandeurs qu'on
ne serait pas capable d'assumer…"
"Aujourd'hui, en plus, la Guyane est toujours en
situation difficile du fait du Covid : les frontières sont
officiellement fermées, le couvre-feu est toujours en
vigueur de 24h à 5h du matin et une commune est à nouveau
confinée. Durant la période de confinement, on en a
profité pour prendre le temps de traduire nos documents en
espagnol ou en anglais, en portugais, en haïtien, en arabe
(eh oui) : depuis plusieurs mois, maintenant, il y a un
nouvel afflux de demandeurs d'asile du Moyen-Orient (de
Syrie) et du Yémen arrivant via la Brésil. Ils veulent
atteindre la France mais savent que par la route de la
Grèce, ça se passe très mal… Depuis le mois de juillet, on
voit aussi arriver des cubains : plus d’une cinquantaine
sont à Cayenne, à la rue. On sait que beaucoup de gens
sont encore bloqués à la frontière qui reste fermée, que
ce soit du côté du Brésil ou du Suriname. Des gens
arrivent bien sûr à passer quand même… l'hébergement des
demandeurs d'asile est complètement saturé, mais la
sous-préfète a déjà annoncé une … baisse du nombre de
places avec la fin de l’état d’urgence sanitaire."
La Cimade, avec les autres associations (Aides, Médecins du
Monde, le Secours catholique, le Comède, RESF,…) et des
associations locales (DAAC, Kaz’avenir, le collectif citoyen
solidarités réfugiés…) continue de demander une amélioration
des conditions d'accueil des demandeurs d'asile d'autant que
malgré la fin du confinement, l'accès à la préfecture est
toujours compliqué.
"La mise en place actée par le Conseil national, il y a
quelques mois, d'un groupe de travail sur les Outre-mers,
est pour nous une satisfaction. On est content qu'une
réflexion démarre vraiment sur la place des Outre-mers à
La Cimade. On avait déjà parlé de la difficulté
d'organiser la "région Outre-mer", et de l’absence de
représentation des Outre-mers dans les instances de La
Cimade… nous souhaitons que cela évolue !
Ce groupe de travail va permettre de se dire les choses,
d'avancer, de lancer une réflexion sur notre façon de
travailler ici et là et d’améliorer notre inscription dans
la dynamique nationale de La Cimade."
Propos recueillis par Marion
Rouillard