#31 - novembre 2020
La Cimadine
PORTRAIT de cimadien

Mathieu Tetrel, groupe local de Cayenne

Portrait réalisé par Marion Rouillard

Mathieu Tetrel


Déjà en métropole, Mathieu Tetrel travaillait à des projets (sportifs) avec des demandeurs d'asile. Lorsqu’il est arrivé à Cayenne il y a 9 ans avec sa compagne, en tant que travailleur social dans un dispositif d'hébergement de demandeurs d'asile de la Croix-Rouge, il trouvait difficile de s'engager comme bénévole à La Cimade.
Travaillant désormais à la "Protection Judiciaire de la Jeunesse", il est aujourd'hui secrétaire du groupe local.

Ce groupe "Cimade Guyane" forme "un seul groupe local pour un territoire composé à 95 % de forêt et grand comme le Portugal. Ce serait vraiment judicieux d'en créer un deuxième, à St Laurent de Maroni" (la ville frontalière avec le Suriname). Ça a été tenté, mais sans suite, "il faudra s'y mettre vraiment !"
Une vingtaine de membres composent ce groupe, jeunes métropolitains actifs et personnes issues de la migration, en situation plus ou moins régulière.

Le groupe s'est créé il y a 16 ans, autour d’une action d’accompagnement juridique en rétention. Les quatre salariées du CRA voient passer presque autant de personnes qu’à celui du Mesnil-Amelot. Basées à Cayenne, ainsi que la responsable rétention de la région Outre-mer, elles participent fortement à l'animation du groupe local.
Des missions sont effectuées avec le pôle Solidarités internationales, comme récemment au Suriname, pour observer ce qui se passe à la frontière et tisser des liens avec des acteurs au Suriname.

Il y a 3 ans, l'afflux de demandes d'asile, doublant en quelques mois, a provoqué des files d'attente incroyables devant le local de La Cimade. Les bénévoles proposaient surtout un accompagnement à la rédaction du récit à joindre à la demande d'asile. Le groupe local s'est vite senti débordé, d'autant que plusieurs bénévoles ont alors quitté la Guyane.

Devant la difficulté à recruter de nouveaux bénévoles, il a été décidé d'arrêter les permanences et d'organiser plutôt des sessions d'information collectives sur différents thèmes : comment faire une première demande de titre de séjour, comment se déroule une procédure d'asile, comment faire un recours auprès de la CNDA,…
"On a décidé d'organiser ça dans notre local mais aussi dans des quartiers de Cayenne où beaucoup de gens, dépourvus de moyens de transport, seraient concernés par les problèmes de régularisation, de droit au séjour."

"Nous avons une bonne cohésion entre les salariées de La Cimade en rétention et les bénévoles, nous faisons du bon travail, ensemble : ça demande du boulot d'organisation, de documentation, de réalisation d'outils, et les bénévoles sont toujours un peu frustrés de devoir refuser l'accompagnement individuel de personnes qui posent des questions personnelles…
Le Groupe local s'oriente maintenant vers un retour des permanences : pour ça, il faut passer d'abord par des actions de formation et puis une réflexion serrée sur comment on va accueillir les personnes, sans se laisser dépasser par une arrivée trop massive de demandeurs qu'on ne serait pas capable d'assumer…"


"Aujourd'hui, en plus, la Guyane est toujours en situation difficile du fait du Covid : les frontières sont officiellement fermées, le couvre-feu est toujours en vigueur de 24h à 5h du matin et une commune est à nouveau confinée. Durant la période de confinement, on en a profité pour prendre le temps de traduire nos documents en espagnol ou en anglais, en portugais, en haïtien, en arabe (eh oui) : depuis plusieurs mois, maintenant, il y a un nouvel afflux de demandeurs d'asile du Moyen-Orient (de Syrie) et du Yémen arrivant via la Brésil. Ils veulent atteindre la France mais savent que par la route de la Grèce, ça se passe très mal… Depuis le mois de juillet, on voit aussi arriver des cubains : plus d’une cinquantaine sont à Cayenne, à la rue. On sait que beaucoup de gens sont encore bloqués à la frontière qui reste fermée, que ce soit du côté du Brésil ou du Suriname. Des gens arrivent bien sûr à passer quand même… l'hébergement des demandeurs d'asile est complètement saturé, mais la sous-préfète a déjà annoncé une … baisse du nombre de places avec la fin de l’état d’urgence sanitaire."

La Cimade, avec les autres associations (Aides, Médecins du Monde, le Secours catholique, le Comède, RESF,…) et des associations locales (DAAC, Kaz’avenir, le collectif citoyen solidarités réfugiés…) continue de demander une amélioration des conditions d'accueil des demandeurs d'asile d'autant que malgré la fin du confinement, l'accès à la préfecture est toujours compliqué.

"La mise en place actée par le Conseil national, il y a quelques mois, d'un groupe de travail sur les Outre-mers, est pour nous une satisfaction. On est content qu'une réflexion démarre vraiment sur la place des Outre-mers à La Cimade. On avait déjà parlé de la difficulté d'organiser la "région Outre-mer", et de l’absence de représentation des Outre-mers dans les instances de La Cimade… nous souhaitons que cela évolue !
Ce groupe de travail va permettre de se dire les choses, d'avancer, de lancer une réflexion sur notre façon de travailler ici et là et d’améliorer notre inscription dans la dynamique nationale de La Cimade."

Propos recueillis par Marion Rouillard

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