#35 - mai 2023
La Cimadine
MISSION EN ALBANIE
Rappel de la mission


Albanie
La note d’analyse sortie en Avril 2023 est le fruit d’un travail de deux ans, initié dès début 2021 avec la constitution d’un comité de pilotage réunissant 8 personnes* qui a préparé le départ de 4 d’entre elles en Juin 2022 et qui a poursuivi le travail à leur retour pour l’élaboration et la diffusion des livrables de la mission.

 La mission avait pour objectif principal la compréhension de la place de l’Albanie dans cette double dimension : la situation des personnes étrangères en transit ainsi que les expulsions des ressortissant·e·s albanais·es depuis la France par le concours de l’agence européenne de garde-côtes et de gardes-frontières, Frontex.

* Le comité de pilotage (Copil) de la mission a été constitué en février 2021, ses membres étaient : 

  • Lydie Arbogast, Responsable des questions européennes
  • Elsa Putelat, Intervenante en CRA à Toulouse
  • Ana Marku, Bénévole Cimade au groupe local de Marseille, région Sud-Est
  • Anna Amiach, Intervenante en CRA au Mesnil-Amelot 
  • Camille Tournebize, Bénévole au groupe local de Lyon
  • Eva Ottavy, Responsable des Solidarités Internationales
  • Marion Beaufils, Chargée d’appui à la coordination rétention
  • Hajer Ben Boubaker, Chargée de mission Solidarités Internationales, qui coordonne le projet
Les personnes en mission en Albanie : Lydie Arbogast, Hajer Ben Boubaker, Ana Marku et Elsa Putelat.


Ce mois-ci, nous sommes donc allées à la rencontre d'Ana Marku, Bénévole Cimade au groupe local de Marseille et Elsa Putelat, intervenante en CRA à Toulouse, qui ont participé à la mission, pour en savoir plus sur leur expérience !

Pour commencer, pourquoi avoir choisi l’Albanie 

Elsa Putelat : pour le pôle SI Europe, l’Albanie constitue à la fois un des points de passage des personnes en chemin vers l’Europe de l’Ouest, le premier pays d’expulsion depuis l’UE pour les vols d’expulsion européens coordonnés par l’agence Frontex ainsi que le 1er pays non européen à accueillir une opération conjointe de l’agence Frontex sur son territoire. Contrairement à d'autres pays des Balkans et plus généralement de l’ouest européen, la situation sur place demeure peu documentée par le milieu associatif à l'échelle européenne.

Cela répond aussi aux besoins de certaines régions, notamment celles avec une communauté albanaise importante, d’être informées sur la situation des citoyen·ne·s albanais·e·s expulsé·e·s de France. En effet, en lien avec les équipes rétention, il a été constaté que les albanais·e·s sont la troisième nationalité à être expulsée depuis la France et comme le disait Lydie la première nationalité ciblée par les vols d’expulsion européens (autrement dit charters européens). Il existe donc également un intérêt à mieux appréhender la situation sur place pour les personnes expulsées.

Ana Marku : Pour moi c’était une grande surprise d’apprendre qu’une mission s’organisait dans mon pays, en Albanie. Une surprise très positive. J’étais très heureuse d’entendre l’intérêt de La Cimade et leur recherche d’une meilleure compréhension de la situation migratoire là-bas.

Je ne pensais pas être d’une grande aide pour La Cimade car les équipes ont beaucoup de connaissances, je ne pouvais pas aider côté « scientifique », mais c’est vrai que j’avais la connaissance du pays et un réseau sur place pour nous aider à avoir les bonnes informations. Hajer et le reste de l'équipe m’ont beaucoup rassuré sur le fait de rejoindre le groupe,  j’étais aussi la seule qui parlait Albanais. En réalité une fois sur place, j’ai été très étonnée car même les plus jeunes parlaient tous anglais. Je n’ai pas eu besoin de traduire. Finalement, c'était amusant car c’est moi qui ne comprenais rien, je ne parle pas anglais, alors je lisais les notes de Lydie après les rencontres. 


Ana, depuis quand tu n’avais pas été en Albanie et qu’est ce qui t’a le plus marqué en y retournant ?


Ana Marku : Ma dernière mission en Albanie avant celle-ci était en 2015, mais je suis présente avec le cœur, quelque part, je suis toujours là-bas. Il y a eu des changements profonds dans mon pays. La vision de la migration a évolué. Beaucoup d’associations sont sensibilisées aux phénomènes de la migration. Avant il y avait très peu de communication sur les migrations, les églises n’étaient pas engagées comme aujourd’hui, envers les personnes migrantes et celles qui sont de passage, qui traversent.


Même si l’accueil et l’hospitalité ont toujours été deux valeurs importantes pour les Albanais et Albanaises, la solidarité s’est beaucoup développée, dans les églises et avec les associations.

Il y a un proverbe que l’on dit souvent : « bukë, kripë dhe zemër » qui veut dire « du pain, du sel et du cœur », pour symboliser l’importance que nous donnons à l’accueil sans intérêt.
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Par contre, Tirana a évolué comme capitale, pas dans le bon sens. J’ai lu dans un article italien « Tirana, capitale avantageuse en Europe », qui semblait mettre en avant les intérêts de la ville, le tourisme, etc. C’est très contradictoire avec la réalité. Les gens n’en peuvent plus, il n’y a pas assez de travail, les jeunes n’ont pas de regard sur leur avenir, ils sont préparés à partir. Fuir pour garantir une meilleure école, un parcours professionnel plus sécurisant.



Et toi Elsa, avez tu déjà été en Albanie et peux-tu nous partager ce qui t'a le plus marqué ?


Elsa Putelat : Je suis allée à plusieurs reprises dans les Balkans, notamment sur la frontière entre la Hongrie et la Serbie, mais c’était une première en Albanie. J’avais l’impression de connaître en partie le pays, par les récits des personnes rencontrées en rétention. Donc c’est évidemment une vision particulière. Sur place, ce qui m’a le plus marqué c’est le Centre de Kareç. J’en avais entendu parlé par un Mr marocain qui vit en Ariège depuis des années. Un jour il a été arrêté et expulsé au Maroc. Il est revenu en passant par l’Albanie. Il a été arrêté à la frontière, enfermé pendant plusieurs mois. Il nous écrivait parfois depuis l’Albanie en nous décrivant les conditions d’enfermement. Arrivé en Albanie, c’était un objectif : en savoir plus sur ce centre. Et là on a eu vraiment plein de versions différentes : « on ne sait pas », « c’est pour les délinquants »… Jusqu’au dernier jour où on est tombé sur la bonne personne qui nous a donné les informations précises (que vous pouvez retrouver dans la note !)



Comment s’est passé le travail collectif  ?


Ana Marku : Avant la mission et pendant, j’ai essayé de restée ouverte, ne pas mettre en avant ce que je savais de mon pays, et regarder les changements tout en me laissant surprendre pour découvrir ce que je ne savais pas justement.

missionCe qui m’a beaucoup plu c’est la simplicité de chacune. Le fait de pouvoir être écoutée, prise en compte, c’était très important.

Je garde en moi le rapport entre nous, c’était humain, naturel et facile. J’ai beaucoup appris sur la manière de travailler ensemble, comment étaient menés les moments de réflexion aussi, c’était très intéressant.

D'un point de vue organisation, des choix ont été fait pour la mission pour ne pas « trop faire », ainsi on prenait le temps de rencontrer chaque personne, cueillir les éléments, puis analyser toutes ensemble. Ce type de partage nous fait ralentir, mieux comprendre et nous fait grandir.


Elsa Putelat : Pour le comité de pilotage tout comme pour la mission, on avait un groupe divers, composé de bénévoles et de salariés. Chacun.e avec des profils et des expériences diverses. Et venant de plusieurs villes : Paris, Lyon, Marseille, Toulouse. Et aussi une vraie envie de travailler ensemble. 

Cette composition a permis une approche complémentaire qui était une vraie richesse. On a beaucoup travaillé ensemble en amont de la mission, pendant la mission, et en aval pour partager tout ce travail. 
A recommencer !

Propos recueillis par Louise Lacombled



Pour aller plus loin

  • Retrouver la note d'analyse sur le site de La Cimade :  « Albanie : enjeux migratoires dans les Balkans. Transit, émigration, retours forcés : des mobilités entravées » disponible en français, anglais et albanais, cette note a également fait l’objet d’un webinaire (en français) auquel vous avez participé ou auquel vous vous êtes inscrit.e.s. Vous, pouvez dès aujourd’hui, retrouver la vidéo en ligne, en cliquant ici
  • Lire l'analyse plus poussée (en français) sur la question des expulsions des albanais.es en France sur le site de La Cimade, par ici

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